PERTURBATIONS ORBITALES

CONTENU : Mis à jour en décembre 2004,  revu sept 2011

I Notion de perturbation

Origine des forces perturbatrices sur un satellite

Notion d'orbite osculatrice

II Equations de Gauss

Formation des équations de Gauss

Tableau récapitulatif des équations de Gauss

III Manœuvres impulsionnelles

IV Quelques exemples de manoeuvres impulsionnelles

NB : Ce cours a une suite, traitant des cas particuliers des orbites circulaires, puis équatoriales et pour terminer circulaires et équatoriales

Nous abordons dans cette partie le problème du mouvement d'un corps dans un champ gravitationnel perturbé. Cela signifie que la force principale est la gravitation newtonienne, mais qu'il s'y ajoute une force perturbatrice qui va affecter de manière continue l'orbite.

En pratique, une surveillance par restitution d'orbite s'impose et une maintenance appropriée doit être mise en place, pour assurer la mission nominale du satellite.

I NOTION DE PERTURBATION :

1°) Origine des perturbations sur un satellite terrestre :

On peut distinguer plusieurs types de perturbations, caractérisées par leur accélération.

1 - Gravitationnelles :

a ) Dues à la terre elle-même, non sphérique, non homogène par couches, le potentiel réel de gravitation est alors complexe, développé en série, avec le premier terme principal représentant le potentiel newtonien et une partie perturbatrice traduisant les divers "défauts" de la terre. Nous n'entrons pas dans le détail des termes de la série, renvoyant le lecteur aux ouvrages spécialisés notamment du CNES, mais signalons que pour les applications les plus courantes, seul est pris en compte le terme dit en J2 traduisant l'aplatissement polaire de la terre, dans le potentiel perturbateur UP, alors que UK désigne le potentiel képlérien ( pour 1 kg ).

l est la latitude géocentrique et r le rayon vecteur scalaire.

NB 1 : Voir note de calcul des composantes de la force perturbatrice gravitationnelle.

NB 2 : Le calcul ci-dessus montre que l'aplatissement polaire crée d'une part une force supplémentaire centrale qui modifie le moyen mouvement et d'autre part une force parallèle à l'axe nord - sud, qui perturbe les paramètres orbitaux angulaires. En effet, la terre se comporte comme une sphère avec un "bourrelet" équatorial, comme sur la figure, on comprend mieux alors l'origine de la perturbation.

b ) Dues à l'attraction luni-solaire. On fera attention au fait que l'accélération due à ces perturbations sur un satellite n'est pas constituée par les attractions de la lune ou du soleil, mais est une différence de deux termes voisins, l'un l'accélération créée sur le satellite, l'autre l'accélération créée sur la terre.

 NB 3 : Voir note de calcul des composantes de la force perturbatrice luni-solaire.

c ) Frottement atmosphérique résiduel : cette perturbation se fait surtout sentir au périgée pour les orbites elliptiques et partout, sur les orbites circulaires basses au dessous de 500 km d'altitude. Le freinage résulte de la traînée, non négligeable car, bien que la masse volumique de l'air soit très faible, la vitesse relative est de l'ordre de 7 à 10 km/s, intervenant par son carré dans l'expression de la traînée.

Son effet est d'autant moins important que le satellite est " gros ", en effet la surface augmente comme le carré des dimensions alors que la masse croît avec le cube des dimensions, le rapport S/M décroît donc avec les dimensions.

 

 

r(Z) est la masse volumique de l'air à l'altitude Z ( voir tables de Jacchia ou atmosphère standard )

S surface de référence, CD un coefficient de traînée de l'ordre de 2 à 3, V la vitesse air.

d) Pression de radiation solaire ou pression photonique : due à la réflexion des particules et de la lumière sur les surfaces réfléchissantes du satellite.

A un degré moindre la terre réémet de la lumière vers le satellite créant une pression de radiation rediffusée par la terre.

e ) Accélération perturbatrice : C'est la notion importante de ce cours, elle est définie comme quotient de la résultante de toutes les perturbations par la masse du satellite. Le lecteur se convaincra que cette accélération, tout comme les forces en mécanique, ne peut dépendre que de la position, de la vitesse et du temps t.

e ) Ordre de grandeur des accélérations perturbatrices en orbite Z = 822 km

Soleil 6 10-7 m/s², lune 1.2 10-6 m/s², traînée variable 5 10-8 m/s², pression de radiation 5 10-8 m/s²

f) Ordres de grandeur comparatif des différentes sources:

Dans les applica

Origine

Orbite basse

Orbite haute

 

Force principale

7 à 9.2

0.23

 

Perturbation due au soleil

10-7

10-6

 

Perturbation due à la lune

10-7

10-6

 

Frottement atmosphérique

10-4

10-9

 

Aplatissement terrestre J2

10-3

10-6

 

Autres termes gravitationnels terrestres

10-6

10-9

 

tions pratiques,, il est important de savoir quelle perturbation est la plus dangereuse ? L'ordre de grandeur, en termes de module d'accélération peut être utile. Les valeurs sont en m/s².

 

 

 

2°) EQUATION GENERALE DU MOUVEMENT:

La loi fondamentale de la dynamique donne

Rappelons que les techniques d'intégration numérique demandent la mise sous forme canonique du système sous la forme d'un système différentiel d'ordre 1.

On posera donc une nouvelle variable Y vérifiant le système différentiel fermé

 

3°) Notion d'orbite osculatrice à l'orbite réelle :

Sous l'effet de la perturbation, l'orbite réelle n'est pas képlérienne, ni plane, ni fermée et naturellement il devient impossible de définir une période et de parler des paramètres orbitaux.

D'où, l'idée de définir, pour chaque position orbitale S(t) ou encore à chaque instant t une orbite képlérienne C(t), "aussi voisine que possible de l'orbite réelle". Elle portera le nom d'ORBITE OSCULATRICE A L'INSTANT t.

Comment est-elle définie ? Tout simplement en disant que C(t) est l'orbite képlérienne qui serait parcourue par le satellite S après l'instant t, si la perturbation cessait. Cette orbite est donc parfaitement définie par ses conditions initiales et .naturellement les paramètres orbitaux sont calculables.

NB 1 :On observera que deux instants distincts conduisent à deux orbites osculatrices distinctes.

NB 2: Quelle est l'utilité de l'orbite osculatrice à l'instant to? De toute évidence elle permet de prédire des positions futures grâce à des relations simples et maîtrisées des mouvements képlériens. Ces prédictions seront d'autant plus précises que la date est proche de to.

NB3 : De toute évidence si les paramètres orbitaux sont connus en fonction de t, la position-vitesse r, V, du satellite est alors parfaitement connue.

NB4 : La connaissance des paramètres orbitaux de l'orbite osculatrice permet de suivre les dérives de ces paramètres et de mettre en place une maintenance d'orbite.

 

EXEMPLE: ORBITE GEOSTATIONNAIRE SOUS EFFET DE J2:

Remarque sur les paramètres orbitaux : En hypothèse képlérienne, les 5 premiers paramètres orbitaux sont constants et représentent des intégrales premières du mouvement, le sixième M variant linéairement en fonction du temps t.

En présence de perturbations, les vecteurs fondamentaux sont lentement variables entraînant une dérive des paramètres orbitaux. C'est précisément l'objet de ce cours que de donner les équations d'évolution.

II EQUATIONS DE GAUSS :

1°) Introduction :

Nous souhaitons former les équations d'évolution des paramètres orbitaux. Pour y parvenir, opérons un changement de fonction inconnue, en posant par exemple:

Une étude mathématique plus fine montre qu'alors le vecteur X vérifie une équation différentielle fermée de la forme : ( En fait la transformation se traite comme un changement de fonction inconnue X au lieu de Y ):

ces équations s'appellent "EQUATIONS DE GAUSS ", nous allons les expliciter.

2° ) FORMATION DES EQUATIONS DE GAUSS :

Nous traitons le cas général des orbites non circulaires et non équatoriales.

a) Notations et conventions de calcul :

On définit des axes R, T, N radial, orthoradial et normal et des composantes radiale Rp, orthoradialeTp et normale Np, de la perturbation:

b) Calcul de l'évolution de a :

Les calculs sont relativement lourds et pénibles, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages spécialisés, mais donnons le détail de formation de la première équation concernant la dérivée du demi grand axe a.

Tout repose sur l'équation de l'énergie et le théorème de l'énergie cinétique.

Compte tenu de l'équation polaire de l'ellipse

Telle est la première des équations de Gauss.

c) TABLEAU RECAPITULATIF DES EQUATIONS DE GAUSS:

3° ) EQUATIONS DE GAUSS (dans t,n,W) :

On utilise aussi les axes t, n, W pour décrire les forces perturbatrices, notamment quand il s'agit du frottement atmosphérique, en confondant vitesse absolue et relative.

L'axe t est l'unitaire tangent à l'orbite.

L'axe W est l'unitaire, portant le moment cinétique orbital, donc normal au plan orbital

L'axe n est la normale unitaire, dans le plan orbital, dirigée vers l'intérieur de l'orbite.

Nous noterons alors T, N, W les nouvelles composantes. ATTENTION: ne pas confondre T et N avec les composantes du chapitre précédent.

Pour les orbites non circulaires et non équatoriales, les calculs non explicités ici donnent:

4°) EQUATIONS DE GAUSS( Cas particuliers):

Nous entendons par cas particuliers, les orbites circulaires (e=0), puis les orbites équatoriales (i=0), et enfin les orbites circulaires équatoriales ( e=i=0 ).

Un récapitulatif particulier est destiné à ces cas là. VOIR ANNEXES

III MANOEUVRES IMPULSIONNELLES :

Très courantes, ce sont des opérations de très courte durée, mettant en jeu un moteur à poussée finie, résultant de l'éjection de gaz chaud (combustion) ou de gaz froid stocké (méthane, azote, ....). Fp est la poussée, considérée durant le temps de fonctionnement comme une perturbation créant une accélération gp.

La représentation du phénomène fait appel à la fonction de Dirac.

On note DV l'impulsion de vitesse fournie durant le temps Dt très court, on admet que la position reste inchangée.

 

La manœuvre a pour conséquence une variation Dxi du paramètre xi, or chaque paramètre xi satisfait à une équation de Gauss de la forme :

Les fonctions Ai, Bi, Ci sont données dans les équations de Gauss, ainsi :

Conclusion très simple, dans une manœuvre impulsionnelle , les variations des paramètres sont :

avec les coefficients Ai, Bi, Ci calculés à l'instant et à la position de la manœuvre.

IV QUELQUES EXEMPLES :

Les perturbations étant très faibles devant l'attraction newtonienne, les variations instantanées des paramètres orbitaux ne présentent que peu d'intérêt dans la plupart des applications. Seules les variations séculaires, moyennées sur une période sont intéressantes.

1°) Aplatissement terrestre :

A 622 km du sol (sensiblement le périgée GTO de Ariane V), on obtient une accélération perturbatrice, indépendante de l'engin, de 1.5 10-3 g

Donnons deux exemples, celui des variations séculaires de w et W sous le seul effet de J2. Voir le calcul sous forme d'exercice.

RESULTATS:

Balayons l'ensemble des paramètres orbitaux: Certains sont invariants en moyenne, d'autres présentent des dérives séculaires ( dérives moyennées rappelons-le )

Les paramètres a, e, i sont invariants en moyenne.

Plus loin nous verrons tout l'intérêt de la première dérivée de W dans l'étude des applications de l'HELIOSYNCHRONISME aux satellites d'imagerie spatiale civile ou militaire.

La dérivée de w est classiquement exploitée par les russes, pour empêcher une rotation de l'orbite dans son plan, ce qui bloque la direction du grand axe par rapport à l'équateur. En effet i = 63°.4 annule 5cos²i - 1 et constitue une valeur exploitable de i, permettant le survol de la Russie et des applications domestiques, notamment les Molnya.

2°) Freinage atmosphérique :

Agissant par les composantes radiale et orthoradiale l'action se fait sentir sur de nombreux paramètres, surtout sur a et e mais n'affecte pas l'inclinaison.

Estimation de la force de freinage : la masse volumique de l'air vaut

r(200 km) = 2 10-9 kg/m3 r(300 km) = 10-10 kg/m3 r(600 km) = 2 10-12 kg/m3 r(700 km) = 4.5 10-13 kg/m3

 Pour un satellite de 2500 kg, une surface de 16 m², un coefficient de traînée CD = 2.2, au périgée avec une vitesse de 7900 m/s, on obtient une accélération g = 8.8 10-4 m/s² à 200 km et 8.8 10-7 m/s² à 600 km.

Pour des orbites elliptiques, le freinage atmosphérique est surtout efficace au périgée, où le satellite ne reste pas longtemps. On peut traiter son influence comme une manœuvre impulsionnelle de périgée qui affecte essentiellement l'apogée. L'orbite se circularise. Ensuite c'est la descente inexorable vers les couches atmosphériques de plus en plus denses, ce qui accélère le mouvement. En quelques semaines, un satellite en orbite basse se retrouve "au tapis".

3°) Attraction luni - solaire:

 

L'effet principal est une diminution de l'inclinaison orbitale, nécessitant des corrections annuelles coûteuses. La dérive maximum de l'inclinaison peut atteindre 0°.95/an.

4°) Pression de radiation solaire:

L'effet principal est une modification périodique de l'excentricité de l'orbite.

Pour ceux qui sont concernés par cette question, je préfère ne pas donner de résultats non justifiés et les envoyer vers les ouvrages spécialisés du CNES en particulier.

La pression vaut p = 9 10-6 Pascal en tout lieu au voisinage de la terre et donne sur le satellite précédent une accélération de 6 10 -8 m/s².

5°) EXEMPLES D'UTILISATION DE LA PERTURBATION J2:

Certaines constellations utilisent de nombreux satellites gravitant sur des orbites de même inclinaison mais dans des plans décalés, autant dire avec des longitudes vernales W des nœuds différentes.

Un moyen économique est d'utiliser un seul lanceur, plaçant des satellites dans un même plan orbital, pour donner la bonne inclinaison, mais sur des orbites de demi-grand axes différents. A chaque demi-grand axe va donc correspondre une dérive spécifique de W qui finira par amener le satellite dans le bon plan. Il suffira alors tout simplement de corriger le grand axe pour l'amener à sa valeur nominale.

Exemple donné par le CNES ( Cours de technologie spatiale Volume 1 page 268, CEPADUES EDITIONS) :

Constellation de 12 satellites de plans espacés de 45°, à 1450 km d'altitude sol, d'inclinaison 55°.

1- Les 4 premiers sont immédiatement manœuvrés et placés sur l'orbite cible à 1450 km, inclinée à 45°

2- 8 sont déposés sur une orbite intermédiaire à 900 km, inclinée à 45°.

4 dérivent de 45° puis sont manœuvrés pour remonter à 1450 km

4 dérivent de 90° puis sont remontés à 1450 km.

NB : Ce cours a une suite, traitant des cas particuliers des orbites circulaires, puis équatoriales et pour terminer circulaires et équatoriales

Guiziou Robert décembre 2004, sept 2011